Xiu Xiu, "Women as Lovers" (Kill Rock Stars)

Pour le cortège de fidèles qui suit sa carrière, le groupe de Jamie Walker est comme un Radiohead des profondeurs, articulant une sorte d’acmé d’inventivité formelle avec la persona très singulière de son leader, crooner mutant descendant de Scott Walker et Ian Curtis. Pour le reste, la musique et les émotions, ça n’a rien à voir. En disciple direct de l’écrivain américain Dennis Cooper ou de l’autrichienne Elfriede Jelinek (qui donne son titre à ce nouveau Women As Lovers, titre anglais de son roman Les Amantes), Xiu Xiu manipule le pathos, le trouble et l'émoi via les détours des marges amoureuses et exterminatrices de la société, et bidouille une matière musicale radicale aux confins de la new-wave, du bruit digital et du « Marteau sans maître » de Boulez. Vivotant en permanence à la lisière d’un chaos en ébullition traversé de sursauts mélodiques suppliciants, ce nouvel album, à nouveau produit par Greg Saunier de Deerhoof, est un énième paradis d’hyper-créativité et de fébrilité émotionnelle totale. S’y croisent ballades acoustiques tendues à l’extrême, trous noirs dissonants (le bien nommé « Guantanamo Canto ») ou purs moments d’euphorie (la reprise de « Underpressure » de Queen, en jam avec Michael Gira de Swans). Immense. (Paru dans Trax)

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