David Foster Wallace "La Fonction du Balai" (Au Diable Vauvert) (Chronic'art#58)

« David adorait découvrir des nouveaux mots. Je crois qu’il aurait aimé utilisé tous les mots de la langue anglaise», dixit Michael Pietsch, héroïque éditeur du très regretté DFW, notamment de son immense baleine-balise Infinite Jest. Et si la dépression a emporté le prodige avant qu’il ait pu effectivement épuiser le Webster des mots existants et tous les wiki de vernaculaires en ligne, on en trouve déjà une quantité pharamineuse dans ce premier roman de 1986. « Extravagance post-moderne, hyper-intellectuelle et fougueuse (parue) à une époque où les romans arpentaient principalement les supermarchés et les discothèques » selon son premier éditeur Gerry Howard, La Fonction du balai introduit un petit génie de 25 ans pour ainsi dire complètement formé et contient déjà en long et en large le programme-univers plus long et plus large encore d’Infinite Jest. D’abord, un récit abscons et malade (infecté par le paradoxe wittgensteinien qui lui donne son titre) blindé de dialogues interminables, de récits gigognes et de détails typiques du post-modernisme US à parcourir comme des étapes (JR de William Gaddis, surtout) ; ensuite une virtuosité athlétique et vertigineuse qui confinerait à la plus insupportable arrogance si elle ne mettait effectivement pas k.o. 100% de la concurrence et si elle ne provoquait pas l’hilarité à chaque retour à la ligne ; enfin un amour inconsidéré pour les histoires tristes, si tristes de fait qu’elles en provoquent des convulsions neurologiques. A noter que si, dans la cosmologie de son auteur, La Fonction du balai est presque un détail sans conséquence, il est apte à avaler n’importe quelle rentrée littéraire dans son effondrement. Ceux que le poids du livre assommerait à l’avance seraient donc bien avisés de se le farcir jusqu’à son trou noir final.

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